Permis de construire irregulier ? Pas de panique, le juge administratif est là !   

En matière d’urbanisme, la législation ne cesse d’évoluer, offrant davantage d’options en cas d’autorisation contestée que la simple annulation contentieuse et dotant le juge administratif de pouvoirs correcteurs de plus en plus importants.  

Prévues aux articles L.600-5 et L.600-5-1 du Code de l’urbanisme, l’annulation partielle et la possibilité de surseoir à statuer sont les mécanismes initiaux qui ont été offerts au juge administratif pour régulariser des autorisations d’urbanisme en cours d’instance dont la légalité serait contestée. 

Mais aujourd’hui ses pouvoirs sont étendus, la loi ELAN du 23 novembre 2018 a renforcé les prérogatives du juge administratif. Désormais, ce qui était une faculté pour lui de surseoir à statuer est devenue une obligation et la notion de « permis modificatif » est remplacée par celle de « mesure de régularisation », accompagnée de conditions moins strictes qu’auparavant.  

Le 2 octobre 2020, par un avis n° 438318, le Conseil d’Etat a également étendu les possibilités de sursis-à-statuer à ces mesures de régularisation pouvant porter atteinte à l’économie générale du projet sans toutefois remettre en cause sa nature. 

Il a aussi le pouvoir de retenir la qualification qu’il souhaite puisqu’il n’est pas lié par celle retenue par l’autorité qui a délivré le permis.  

Deux situations sont à distinguer, selon qu’il s’agit d’une modification apportée à une demande de permis en cours d’instruction ou de l’obtention d’un permis modificatif qui vise à modifier un projet pour lequel un permis a déjà été délivré. Il faut donc distinguer in fine selon que la régularisation intervient avant la décision du juge administratif, ou postérieurement à l’octroi du permis de construire.  

Tout d’abord, si la régularisation doit intervenir avant la décision du juge administratif, l’article L.600-5-1 institue un mécanisme de régularisation a priori des autorisations d’urbanisme, dont notamment le permis de construire. 

Comment cela fonctionne-t-il concrètement ? Le juge administratif sursoit à statuer, par un jugement avant dire droit et demande régularisation du permis de construire à l’administration. 

La délivrance d’un permis modificatif emporte régularisation des irrégularités et l’acte peut être déclaré légal.  

Mais l’application de l’article L.600-5-1 n’est pas applicable à toute situation. Pour pouvoir en bénéficier l’arrêt SCI Rivera Beauvert du Conseil d’Etat du 30 décembre 2015 (n° 375276) prévoit qu’il faut tout d’abord : apprécier si le vice peut être régularisé par un permis modificatif et ce permis modificatif est lui-même délivré à la condition que les modifications apportées au projet initial pour remédier au vice d’illégalité ne puissent être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception initial.  

Quelle situation peut régulariser ce permis modificatif ? Aussi bien la méconnaissance d’une règle de fond (Conseil d’Etat, 9 décembre 1994) qu’un vice de forme ou de procédure (Conseil d’Etat, 2 février 2004) 

Autre innovation bien pratique … l’extension de pouvoir supplémentaire : le 22 février 2018, le Conseil d’Etat, dans un arrêt SAS Udicité (n°389518) a considéré que lorsque l’administration régularise de manière spontanée un permis de construire, le juge a la possibilité de prendre directement acte de la régularisation effectuée « dès lors qu’il a préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur la question de savoir si ces éléments permettent une régularisation ». Dans le cas où les éléments transmis ne sont pas suffisants, il a le pouvoir de « surseoir à statuer en vue d’obtenir l’ensemble des éléments permettant la régularisation »  

Au contraire, si la régularisation doit intervenir a postériori de l’octroi du permis de construire, elle doit être autorisée par le juge administratif préalablement. L’administration doit recevoir autorisation expresse du juge de régulariser le permis. C’est l’annulation dite conditionnelle qui consiste à annuler totalement ou partiellement l’acte sous réserve de régularisation par l’administration, conformément aux dispositions de l’article L.600-5 du code de l’urbanisme.  

Pour l’annulation partielle, depuis un arrêt du Conseil d’Etat du 16 octobre 2017, SARL Promialp (n° 398902), le juge administratif a le pouvoir de « limiter l’annulation d’une autorisation d’urbanisme à la partie du projet affectée par l’illégalité relevée après avoir vérifié qu’aucun moyen ne justifiait une annulation totale ».  

Dans le cadre d’un permis de construire, les conditions d’une telle annulation avaient été précisées dans un arrêt Epoux Fritot du Conseil d’Etat du 1er mars 2013 (n°350306). Le juge administratif peut donc sauver votre permis de construire en partie illégal si et seulement si cette illégalité affecte une partie identifiable du projet d’autorisation et qu’elle puisse être régularisée par un arrêté modificatif.  

Force est donc de constater que le lien entre annulation partielle et annulation conditionnelle, puisque, comme confirmé en 2011 dans un arrêt SNC Hotel de la Bretonnerie, « la faculté de prononcer une annulation partielle d’un permis de construire est reconnue au juge si et seulement si l’illégalité qu’il contient peut-être corrigée par l’obtention d’un permis modificatif ».  

Au final, et les professionnels de l’urbanisme l’ont éprouvé, le juge administratif endosse ainsi le rôle principal dans ces régularisations de permis de construire, disposant de larges pouvoirs à cet égard.  

Cette tendance est encore aujourd’hui confirmée par la Cour de cassation qui a rappelé le 9 mars 2022 (Civ., 3ème, n° 19-24.594) que « la légalité d’un permis de construire ne regarde que le juge administratif. » 

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