La révision pour imprévision : point après la réforme du droit des contrats

Ou de l’imprévision imprévisible

Un contrat d’entreprise est conclu entre deux sociétés pour une durée de cinq ans portant sur la maintenance de véhicules utilitaires moyennant une redevance annuelle. En cours d’exécution du contrat, une augmentation du coût des matières premières imprévisible intervient, ayant une incidence sur le prix des pièces de rechange. La société prestataire n’est plus en mesure de s’acquitter de la redevance au titre de son contrat.

La révision de ce contrat d’entreprise pour changements de circonstances économiques est-elle possible ?

Etat des lieux avant la réforme


La jurisprudence civile a longtemps été réticente à l’idée d’admettre la théorie de l’imprévision sur le fondement de la force obligatoire du contrat.

Par de nombreuses décisions, la Cour de cassation a rejeté la possibilité pour les parties de réviser le contrat pour imprévision et ce, depuis le célèbre arrêt Canal de Craponne du 6 mars 1876.

Contre toute attente, par un arrêt du 29 juin 2010, la Cour statuant en référé a semblé dessiner les contours d’un droit à la révision pour imprévision. Elle laissera entendre que l’évolution des circonstances économiques a pour effet de déséquilibrer l’économie générale du contrat tel que voulu par les parties lors de sa signature et de priver de toute contrepartie réelle l’engagement souscrit par la société prestataire.

Cet arrêt n’a jamais fait l’objet d’une publication.

La consécration de la théorie de la l’imprévision


Il aura fallu attendre l’ordonnance du 10 février 2016 pour que le législateur consacre la théorie de l’imprévision et introduise un article 1195 dans le code civil.

Son application nécessite la réunion de trois conditions :

Premièrement, il faut démontrer que le changement de circonstances était imprévisible lors de la conclusion du contrat.

Deuxièmement, le changement de circonstances doit rendre l’exécution du contrat excessivement onéreuse.

Enfin, les parties ne devaient pas avoir accepté d’assumer les risques de l’imprévision.

C’est sans surprise que la révision pour imprévision qui porte atteinte à la force obligatoire du contrat est un processus strictement encadré.

La partie n’étant plus en mesure d’exécuter ses obligations doit formuler une demande de révision du contrat. Deux options s’offrent alors aux parties : elles peuvent s’accorder sur la résolution du contrat à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation.

A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge a la possibilité de réviser le contrat ou d’y mettre fin à la demande d’une partie à la date et aux conditions qu’il fixe.

Qu’en est-il de l’application de la théorie de l’imprévision aujourd’hui ?


La jurisprudence récente ne fait pas encore état d’une application concrète de la révision pour imprévision sur le fondement de l’article 1195 du code civil.

Les conditions d’application strictes de la théorie de l’imprévision rendent son application difficile voire inapplicable.

Dans ce contexte, peut-on estimer qu’il s’agit d’une consécration illusoire ?

Dans le meilleur des mondes, la partie n’étant plus en mesure d’exécuter ses obligations peut essayer de convenir d’un accord à l’amiable avec l’autre partie en vue de la révision du contrat et passer par la voie de l’avenant.

Alors que penser de la théorie de l’imprévision ?

Etes-vous ceux de ces partisans fidèles au respect de la force obligatoire du contrat ou pensez-vous que la consécration de cette théorie témoigne d’une réelle et positive avancée ?

Bouziane BEHILLIL