Le délit d’injure peut-il accueillir tous les propos racistes ?

Dans le prolongement de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et la citoyenneté, est publié au Journal officiel du 5 août 2017, le décret du 3 août 2017 qui est venu modifier certaines dispositions du Code pénal.

Né de la volonté de sanctionner davantage les manifestations non publiques de racisme, de sexisme ou encore d’homophobie, ce décret renforce la répression des infractions de provocations, de diffamations et d’injures non publiques à caractère raciste ou discriminatoire.

Un propos injurieux, même tenu dans une réunion ou un lieu public, ne constitue le délit d’injure que s’il a été « proféré » conformément à l’article 23 de la loi sur la presse ; autrement dit tenu à haute voix dans des circonstances manifestant une volonté de le rendre public.

Le décret de mars 2005 avait créé les infractions non publiques, réprimés simplement par une contravention, une amende considérablement moins onéreuse que les délits publics.

Dorénavant, le décret du 27 janvier 2017 établit ces infractions de provocations, de diffamations et d’injures non publiques en contravention de cinquième classe, avec pour effet que le montant de l’amende est doublé, passant de 750 euros à 1.500 euros ou 3.000 euros en cas de récidive.

Également, les infractions de provocations, de diffamations et d’injures non publiques peuvent donner lieu à des peines complémentaires.

A cet égard, deux nouvelles mesures aux peines complémentaires, à savoir le travail d’intérêt général pour une durée pouvant aller de 20 à 120 heures et l’obligation d’accomplir un stage de citoyenneté.

Dès lors, tous propos racistes prononcés dans le cadre privé, familial pourront faire l’objet d’une procédure judiciaire…

Toutefois, dans un jugement du 19 novembre 2018, le Tribunal de Grande Instance de Paris a eu l’occasion de préciser la notion d’injure non publique.

Il considère que pour être constitutifs de la contravention d’injure non publique, les propos doivent avoir été faits avec un minimum de publicité comme ayant été prononcés devant un ou plusieurs tiers ou ayant été distribué par courrier, voir messagerie électronique à un autre destinataire au moins en dehors de la personne visée par cette injure.

De plus, la liberté d’expression peut s’imposer face à ce délit et à plus forte raison dans le cadre privé et familial.

Si le spectre du délit d’injure s’est élargi, on peut néanmoins s’interroger sur l’efficacité de ces mesures quand il s’agit de prendre en considération les critères d’appréciation jurisprudentiels pour qualifier ce délit mais aussi la possibilité de le voir se heurter à des libertés fondamentales telle que la liberté d’expression…

 

Bouziane BEHILLIL