L’élu est-il une cible pénale ? …ou les vocations contrariées

Une jeune fille de 13 ans succombe à la suite d’un accident de manège. La responsabilité du maire de la ville est engagée et l’élu sera inéluctablement condamné par le Tribunal correctionnel. Reconnu coupable d’homicide et blessures involontaires, le maire présente sa démission. Sa faute ? L’élu n’avait pas demandé au forain les papiers attestant que le manège avait bien été révisé. Le manquement à une obligation de sécurité expresse est alors caractérisé…

Prise illégale d’intérêts, corruption et trafic d’influence, concussion, manquement à une obligation de sécurité … L’exercice du mandat des élus doit être abordé avec la plus grande prudence : à chaque accident, il est possible de les pointer du doigt !

La responsabilité pénale des élus

La responsabilité pénale des élus pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions résulte de plusieurs textes notamment de l’article 121-3 du code pénal et des articles 432-10 à 432-12, 432-14, 441-2 et 441-4 du code pénal.

Entre infractions intentionnelles et infractions non intentionnelles, il y a lieu d’inviter les élus à agir avec prudence et probité. 

Les manquements au devoir de probité

Le code pénal consacre plusieurs infractions en vue de sanctionner les manquements au devoir de probité des élus à l’instar des délits de concussion, de corruption et de trafic d’influence, de prise illégale d’intérêts, de favoritisme et de soustraction et détournement de biens.

Les manquements au devoir de probité s’avèrent être le premier motif de condamnation des élus. Ces derniers sont condamnés le plus souvent pour la prise illégale d’intérêts.

L’article 432-12 du code pénal consacre le délit de prise illégale d’intérêt comme suit :

« Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ».

Depuis janvier 2019, plusieurs affaires sont en cours : un maire poursuivi pour prise illégale d’intérêts dans le cadre de l’acquisition d’un appartement appartenant à une SCI. L’élu est président du conseil
de surveillance de la société qui détient une part du capital de la SCI. Plus récemment, un maire mis en garde à vue pour prise illégale d’intérêts à propos d’un retrait de permis de construire.

Par conséquent, ne serait-il pas nécessaire de renforcer la formation, la prévention et l’information
des élus concernant leur devoir de probité et les sanctions afférentes à son manquement ?

De la simple maladresse au manquement à une obligation expresse de sécurité ou de prudence

Le manquement au devoir de probité n’est pas la seule raison pour laquelle la responsabilité d’un élu peut être engagée. Une simple maladresse peut entraîner la condamnation d’un élu.

L’article 121-3 alinéa 4 du code pénal consacre la faute non intentionnelle (faute d’imprudence, de négligence) comme suit :

« les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ».

Dans ce contexte, la voie est libre à tous types d’infractions non intentionnelles, à l’instar du délit d’homicide involontaire et blessures involontaires : il suffit d’établir une faute caractérisée.

La faute caractérisée peut résulter d’un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence ou encore d’une simple maladresse …

Il résulte de ce qui précède que l’élu est de fait bien une cible pénale. De quoi faire réfléchir sur les vocations ? et comprendre ainsi les démissions, les renonciations…

Bouziane BEHILLIL